""Gadiri Mohammed "''
LES BÉNI SNOUS
Une causerie faite par M.
Roger BELLISSANT, instituteur, à la Société des Amis du Vieux Tlemcen, le 18
janvier 1941
(La causerie a été
illustrée par des projections lumineuses).
Mesdames, Messieurs, mes
chers camarades,
Si vous le voulez bien,
nous allons faire ensemble en imagination, une grande randonnée dans les Monts
de Tlemcen, au Sud-Ouest de la ville, dans la haute vallée de la Tafna, dans
les gorges sauvages de son affluent aux eaux pures, l’Oued Khémis, et dans les
immenses forêts de chênes verts et de genévriers qui couvrent ces montagnes.
Nous voyagerons à pied, ce qui est bien la façon la plus saine et la plus
intéressante de voyager, nous coucherons sous la tente, ou bien nous serons les
hôtes des Berbères si hospitaliers, et stupéfaits de voir des Roumis se servir
de leurs jambes pour se promener.
SITUATION :
La région représentée sur cette carte (une carte au 1/50.000° est épinglée au mur) mesure environ 39 km de long sur 30 km de large, soit 1170 kilomètres carrés. Elle n’est qu’une partie des Monts de Tlemcen, dont la chaîne de direction générale Nord-Est / Sud-Ouest, déborde largement au Nord et au Sud de cette carte. Pour situer cette région, disons que la chaîne de l’Atlas Tellien se compose de plusieurs chaînons parallèles dont le plus septentrional est celui qui domine Tlemcen (Djebel Sakretine, plateau de Lalla-Setti) et se continue à l’Ouest par les hauteurs de Zarifète. Immédiatement au Sud de ce chaînon, s’étend le long plateau de Terni, borné au Sud par un deuxième chaînon, celui d’Aïn Ghoraba. C’est par le versant Sud de ce dernier, prolongé par le massif de la forêt d’Hafir, que nous arrivons ici sur la carte. Puis, allant toujours vers le Sud, nous
descendons dans la
magnifique vallée de la Tafna, que de majestueuses falaises dolomitiques
dominent devant nous. Ces falaises se continuent vers l’Ouest, jusqu’à la
frontière du Maroc, et là se terminent par un plateau triangulaire de grès, le
Ras-Asfour, qui tombe à pic sur le Maroc.
Escaladant ces falaises,
nous nous trouvons sur une large chaîne à allure de plateau, d’altitude moyenne
de 1300 à 1500 mètres, couverte de forêts, et qui s’arrête brusquement au sud
au-dessus d’une vallée Sud-Ouest / Nord-Est, aboutissant à Sebdou. C’est cette
dernière chaîne qui porte sur son bord méridional le sommet le plus élevé du
département : le Djebel Tenouchfi (1843 m). Enfin,
un dernier chaînon termine
l’Atlas au Sud par ses contreforts s’étalant sur les Hauts Plateaux. Dans ces
montagnes, les oueds se sont découpés de magnifiques vallées, d’allure
majestueuse comme celle de la Haute Tafna, profondes et sauvages comme les
gorges de l’Oued Khémis, pour ne citer que les principales. C’est sur le bord
de ces deux oueds que les Béni-Snous ont construit leurs villages.
GÉOLOGIE –
Il faut remonter jusqu’au
début de l’ère secondaire pour comprendre l’histoire géologique des Monts de
Tlemcen. A cette époque lointaine, l’Algérie, ou ce qui en tenait lieu, était
resserrée, comprimée entre deux continents émergés : la Tyrrhénide au Nord, le
plateau Saharien au Sud. Le pays que nous habitons était un bras de mer, un
long détroit orienté Est-Ouest, un géosynclinal comme disent les géologues, au
fond duquel les sédiments s’accumulaient. Du fait que c’était une zone de
dépression, cette partie de l’écorce terrestre était une ligne de moindre
résistance où les sédiments accumulés se plissaient sous la pression des deux
continents. Telle est, grosso modo, l’origine de l’Atlas.
Mais, alors que la région
tellienne comprises entre Tlemcen et la côte actuelle subissait de profonds
changements de structure avec des alternatives d’émersion et d’immersion
jusqu’au Pliocène (fin du Tertiaire), date à laquelle s’est produit l’effondrement
de la Tyrrhénide, la partie de l’Atlas qui nous occupe, les Monts de Tlemcen,
étaient avec les Hauts Plateaux définitivement émergés au Secondaire, sans
retour postérieur de la mer. On sait aussi, par l’étude des fossiles de ces deux
régions, que l’Atlas Tellien littoral était, au Secondaire, occupé par une mer
profonde où les forces plissantes agissaient au maximum, alors que l’Atlas au
Sud de Tlemcen, était avec les Hauts Plateaux, un socle continental rigide
inondé par une mer peu profonde.
Ces différences de
traitement subies par ces deux régions expliquent l’allure différente de leurs
montagnes. Alors que le Tell littoral est la région des chaînes plissées et
bouleversées par des éruptions volcaniques (Traras, Rachgoun, Tifarouine)
l’Atlas Tellien méridional présente un relief tabulaire, imposant certes, mais
plus calme, que vous remarquerez aisément tout à l’heure dans les projections.
Les terrains secondaires des Monts de Tlemcen, presque tous jurassiques, sont
des plateformes bordées de falaises abruptes de calcaire ruiniforme. Ils
forment, avec les Monts de Saïda, ce qu’Émile GAUTIER appelle « La Meseta
Sud-Oranaise » par analogie avec la Meseta Ibérique1.
Leurs sommets, toujours
plats, sont des plateaux calcaires comme ceux qu’on retrouve aux environs
immédiats de Tlemcen : Lalla-Setti, Aïn-Fezza. Ce sont de véritables Causses.
Les Causses des Monts de Tlemcen (vue prise de la Corne du Khémis, vers le Sud)
Remarquer l’allure
tabulaire des montagnes A l’horizon, le Djebel Tenouchfi (1843 m).
Les plateaux sont couverts
de forêts (chêne vert, thuya, genévrier).
1 Leur limite
septentrionale est une ligne jalonnée par Turenne [Sabra], Tlemcen, Lamoricière
[Ouled Mimoun], Chanzy [Sidi Ali Ben Youb]. Autour de ces trois dernières
agglomérations, on voit très bien les golfes où la mer tertiaire venait battre
le massif secondaire.
Les calcaires y sont fréquemment disloqués par des failles qui mettent à nu dans le soubassement de la plateforme secondaire, le massif primaire sur lequel ils reposent. Ce socle primaire apparaît sur une assez grande étendue à Ghar Rouban, dans une « fenêtre » que le décapage énergique des pluies relativement abondantes de la région a pratiquée dans les couches secondaires. C’est dans cette « fenêtre » que sont installées les mines de plomb argentifère de Ghar Rouban (Notons que dans ces mines, on trouve en outre du minerai de cuivre, du sulfate de baryte, et de beaux cristaux de quartz. Seule la galène est exploitée).
-Bordj des mines de Ghar Rouban élevé en 1853 Bordure septentrionale de la Meseta sud-oranaise. Brousse méditerranéenne : lentisques, cystes, diss.
La mine extrait en moyenne
1200 tonnes de minerai de plomb par an, expédiées au port de Nemours.-
Comme dans les Causses de
France, les grottes et avens, les rivières souterraines ne sont pas rares dans
ces plateaux. La source de la Tafna a été explorée, et les spéléologues
amateurs ont remonté son cours souterrain pendant une dizaine de kilomètres, du
moins l’affirment-ils. Dans la région qui nous occupe, se trouve entre
Béni-Zidaz et Sidi-Larbi, non loin du marabout de Sidi Blal, une grotte connue
sous le nom de Grotte Noire (Vous verrez tout à l’heure une vue de cette
grotte).
Elle s’ouvre au pied d’une
falaise, un oued en sort pendant l’hiver après les fortes pluies. Il est
impossible d’y pénétrer sans matériel navigant, car l’eau profonde entre des
parois verticales en obstrue l’entrée. Les explorateurs de la Tafna, qui l’ont
visitée, ont progressé d’abord horizontalement pendant environ 300 mètres.
Arrêtés par un puits vertical d’une vingtaine de mètres de profondeur, ils
entendaient couler sous eux une rivière souterraine. Ils descendirent à la
corde dans ce puits et remontèrent la rivière souterraine pendant deux
kilomètres environ. Ils durent abandonner à cause des difficultés qu’ils
éprouvaient à respirer. Cette rivière souterraine a donc deux cours : un cours
supérieur, ou cours d’été, qu’elle conserve une grande partie de l’année, et en
période de grandes eaux un cours supérieur supplémentaire qui aboutit à la
surface du sol et qui sert de trop-plein. C’est le cours d’hiver. Elle se
déverse alors dans l’oued Azzet par l’ouverture de la grotte, tout le système
étant alors rempli.
-Entrée intérieure de la Grotte Noire (M. KAHIA)-
Non loin de là d’ailleurs,
jaillit une forte source qui remplit les mêmes Conditions : le long d’une pente
boisée, source supérieure en hiver, source inférieure (environ 30 mètres plus
bas) pour le restant de l’année. Ajoutons, à propos de la Grotte Noire, et dans
un autre ordre d’idées, qu’à une trentaine de mètres à l’intérieur du
souterrain, dans un endroit difficilement accessible, est peinte sur la paroi
rocheuse l’inscription suivante : Sénatus-Consulte 1863.
LES HABITANTS – Venons-en
maintenant à la tribu des Béni Snous qui habite cette région pittoresque. Elle
comprenait autrefois quatre tribus : les Azaïls, le Khémis et ses dépendances,
le Kef et les Béni Bou Saïd. Elle ne comprend plus maintenant que le Khémis et
ses dépendances, et les Azaïls.
La Tafna, qui prend sa
source au pied de la forêt de Merchiche, au nord de Sebdou coule d’abord du
Nord au Sud, vers Sebdou, et, arrivée à quelques centaines de mètres du
village, elle se heurte à une barrière montagneuse et prend alors la direction
du Nord-Ouest, se creusant dans cette direction des gorges à travers le massif.
Quelques kilomètres plus loin, la vallée s’élargit et atteint
trois ou quatre kilomètres
de largeur sur une longueur d’une quinzaine de kilomètres. C’est là, parmi les
cultures de céréales, les vergers d’arbres fruitiers, les olivettes et les
jardins potagers, que sont bâtis les villages des Azaïls, d’amont en aval :
Tafessera, Tleta, Zahra, dans la plaine et dominés par de belles falaises
rougeâtres, et une dizaine de kilomètres plus loin, Béni Bahdel,
pittoresquement
accroché dans les
anfractuosités d’un énorme bloc de travertin, à 250 mètres au-dessus de la
rivière.
Depuis quelques années un
nouveau village, européen celui-là, est né sur la rive gauche de la Tafna, en
face des Béni Bahdel, c’est celui du barrage dit des Béni Bahdel.
Tafessera (Azaïls) – Vallée de la Tafna. À gauche des deux koubas, l’école.
La tribu des Azaïls comprend 4476 habitants pour 700 ménages (non compris le barrage) ce qui fait une moyenne de 6,39 par maison. En 1920, la population était de 2742 habitants pour 513 feux soit une moyenne de 5,34 par ménage. En 10 ans, l’augmentation de la population est de 1734 habitants sur un total de 2742 (soit 62 % de ce dernier chiffre) et l’augmentation de la moyenne par maison est de 1,05 soit 19 %. Concluons donc qu’au point de vue démographique, les Azaïls se portent bien. Tafessera compte 948 habitants (684 en 1920), Tléta : 794 ( 600 en 1920), Zahra : 802
habitants (480 en 1920). Les Béni Bahdel en ont 1710 y compris les Marocains qui travaillent au barrage (en 1920, les Béni Bahdel comptaient 797 habitants). Au barrage vivent 214 français, 183 étrangers et un certain nombre de Marocains. (Disons en passant que la tribu limitrophe les Béni Hédiel qui forme le douar d’Aïn Ghoraba, compte 543 ménages comprenant 3410 habitants). On a l’habitude de séparer ces villages de la vallée de la Tafna de ceux de la vallée du Khémis, surtout
parce qu’ils n’appartiennent pas à la même administration. Les Azaïls sont de la Commune Mixte de Sebdou, tandis que les villages du douar Khémis font partie de la Commune Mixte de Maghnia. Mais cette division n’a qu’un caractère purement administratif. En réalité tous ces Berbères sont de même type ethnique. Ces deux tribus n’en forment qu’une, la grande tribu berbère des Béni Snous.
Les Azaïls, qui sont dans la partie la plus large de la vallée, ont de l’espace pour leurs cultures, la terre y est bonne, ils disposent de l’eau d’irrigation en assez grande abondance, aussi leurs champs et leurs jardins sont-ils assez beaux. Les olivettes y sont séculaires, dans les jardins pousse une assez grande variété de légumes, les amandiers, les figuiers, les pêchers sont nombreux.
Autour de ces jardins irrigués, sont les champs de céréales : blé, orge, maïs. Chaque maison possède quelques bestiaux : chèvres, moutons, boeufs de petite race africaine. En dehors de la culture, les
Azaïls n’ont guère d’industrie. Celle-ci se résume dans la confection de djellabahs et d’un peu de sparterie : corbeilles, keskess, sucriers en alfa.
-Vue d’ensemble de la vallée de la Tafna prise du Koudiat er Roum. Au premier plan : Tléta.Tafessera est à droite au pied de la montagne.
Quand on approche de l’un des trois villages dont celui du milieu porte le nom de Tléta (trois en arabe), on est frappé par la couleur brun-violacé des maisons, qu’au premier abord on croirait peintes. En s’approchant des murs, on s’aperçoit que la terre dont ils sont enduits est brun violacé dans sa masse. L’argile qui a servi à leur confection, prise sur place, est en effet ferrugineuse et magnésienne, et ce sont les sels de fer qui leur donnent cette jolie teinte. Si l’on grimpe sur la montagne, le village violet, vu d’en haut dans sa ceinture d’arbres fruitiers d’un vert tendre et d’oliviers d’un gris argenté, est vraiment charmant. L’aspect change quand, descendu de la falaise, on se promène dans les ruelles du village. En vrais montagnards auxquels les aspérités du terrain ne font pas peur, les habitants n’ont pas jugé utile d’égaliser le sol de ces ruelles dans lesquelles les différences de niveau de 50 cm ne sont pas rares. Chaque rocher y est respecté et comme la plupart
de ces sentiers est en pente, chacun forme pendant les pluies un petit torrent, aussi les pierres roulantes y sont-elles nombreuses.
Sous chaque maison, ou à côté, s’ouvre dans le sol une petite grotte qui sert de silo, de bergerie, d’étable, ou même d’habitation. Ces grottes, très vieilles ont quelquefois un trou d’aération vertical, ou bien ce trou est le résultat d’un éboulement. C’est pourquoi il est prudent, pour le touriste, de ne pas se promener la nuit dans les rues des Béni Snous. Il pourrait malencontreusement tomber dans l’obscurité sur quelque paire de cornes bovines ou même dans la marmite du fellah
troglodyte, ce qui dérangerait le calme nocturne de la cité endormie et mettrait le garde-champêtre devant un cas difficile à résoudre. Une maison, que rien à l’extérieur ne distingue des autres et qui, comme toutes ses pareilles, n’a point de fenêtres, est celle de l’épicier. C’est le seul commerçant du pays et sa boutique ne respire pas la richesse. Sur l’unique étagère, vous pourrez voir trois ou quatre
paires d’espadrilles voisiner avec une demi-douzaine de pains de sucre. C’est toute la marchandise.
Sur deux planches mal aplanies qui forment le comptoir, est la grosse et vieille balance. Sur un de ses plateaux, un poids unique de cent grammes attend le client. Mais l’épicier est souriant, il est heureux que des roumis viennent lui dire bonjour, et il ne vous laissera pas repartir sans vous avoir offert de multiples verres de thé.
HISTOIRE – Il est certain que le pays des Azaïls, où l’on trouve de bonnes terres cultivables, où les pentes couvertes de brousse sont favorables à l’élevage, est habité depuis très longtemps. Les sommets de calcaire dolomitique reposent sur des grès poreux, assis eux-mêmes sur des marnes imperméables. Au niveau de celles-ci jaillissent de nombreuses sources qui sont la vie même dans cette région. Enfin les eaux de ruissellement emportant le calcaire des sommets l’ont déposé en travertins percés de grottes qui sont autant d’abris naturels. Les conditions sont ici réunies dans cette vallée – abris naturels, sources, pâturages – pour que l’homme ait pu y vivre aux temps de la préhistoire, et il est presque certain que des recherches dans les grottes amèneraient d’intéressantes trouvailles.
De nombreuses ruines de villages berbères parsèment la partie la plus large de la vallée. Rien que sur son versant septentrional, d’Hafir à la rivière, on compte une quinzaine de vestiges de ces villages, qui portent les noms de : Ejjedinète, Es Sof el-Ali, Guadet en Neçara mtaa en Nechaya, Dar El Guiba, Chaabet el Lebiya, Yarf en Neçara, Azib el Zemet, Sguif bou Mediène, Dar el Kadi, Dar Daha, Cirat Korf bent es Soltane, Béni Mahnia. La majorité de ces villages occupaient une éminence facilement défendable. Certains avaient une enceinte, et les pierres qui ont servi à leur construction sont quelquefois taillées grossièrement. Elles ne sont liées par aucun ciment, mais par la terre même de l’endroit. Il est impossible de fixer l’époque de ces villages berbères. Les cimetières qu’on trouve à proximité sont musulmans. Quelques tombes berbères tronconiques, appelées bazinas, édifiées avant l’islamisation de ces tribus, s’y trouvaient encore en 1911, époque de la confection de l’Atlas archéologique de Gsell, mais je n’en ai pas vu.
Il est bien difficile, sinon impossible, de se de se faire une opinion sur l’âge de ces ruines d’après les indications fournies par les villageois. Avec M. MOYNIER, nous interrogions, en septembre dernier, un vieillard des Béni Hassoun sur l’âge des ruines assez importantes situées sur le territoire de sa tribu. Il nous dit « Oh ! elles sont vieilles, très vieilles, bezef, bezef chibani – Elles ont au moins
… (ici, il réfléchit) elles ont au moins … 54 ans ». ( J’ai retrouvé ensuite ce nombre 54 sur les poteaux indicateurs de la route des Béni Bahdel, je crois que c’est le numéro de la route ). Inutile de vous dire la suspicion que nous avons fait naître ce jour-là chez les habitants des Azaïls à l’annonce que nous cherchions des ruines de villages disparus. Incapables de comprendre que nous nous intéressions à de vieilles pierres, ils croyaient que nous en voulions à leurs maigres propriétés et ils nous ont demandé à plusieurs reprises et avec angoisse si nous n’étions pas des géomètres.
Au sud de Tléta, entre le village et la montagne se dresse un piton vierge de toute végétation, et couronné par les ruines d’une enceinte polygonale en pierres grossièrement taillées. Dans la partie Sud-Est de cette enceinte se voient des traces de tourelles carrées qui devaient encadrer et défendre l’entrée. Les Berbères de Tléta eux-mêmes sacrifient au préjugé largement répandu dans le public
européen en Oranie qui veut que toute ruine soit baptisée romaine, car ils appellent ce mamelon le Koudiat er Roum (la colline des Romains). J’ai parcouru ces ruines avec M. KAHIA. Nous n’y avons constaté aucun ciment romain, aucune taille sérieuse. Il est très vraisemblable que cette petite forteresse représente l’ancien camp fortifié édifié par les habitants du village, il y a des centaines d’années à une époque inconnue et où ils se réfugiaient lorsque des tribus pillardes s’abattaient sur la région. Du reste, d’autres vestiges de refuges existent sur des éminences près des villages actuels et avaient très probablement la même destination. On les voit très bien des hauteurs qui dominent ces villages, à peu près de la même façon qu’un aviateur les verrait de son avion. Leur enceinte tranche en cercle plus clair sur la terre grise. On en trouve à Tafessera, au Khémis, aux Ouled Larbi, sur le
Djebel Roudjène au Sud.
Une notice administrative sur les antiquités de la Commune indigène de Maghnia, rédigée en 1890 à Maghnia, attribue aux Romains deux forteresses proches de la maison forestière du Ras Asfour, au lieu dit « Tifousser » sur un escarpement rocheux dominant l’immense vallée des Béni Bou Hamdoun au Maroc. Nous avons vu ces ruines exactement semblables à celles de Tléta, l’une de
100 m de côté, l’autre de 50 m. Elles sont aussi en pierres non taillées, et sans aucun ciment. Leur mode de construction dément l’affirmation de cette notice qui attribue également aux Romains des alignements de rochers sur le Djorf El Ahmar, et sur un plateau à cinq kilomètres au Sud-Ouest de Mazzer. Gsell indique que ces constructions sont d’origine indigène. Le limes des Romains passait à
Numerus Syrorum ( Maghnia ) Pomaria et Altava c’est-à-dire à trente ou quarante kilomètres au nord de ces petites forteresses. Que les Romains aient eu au sud de cette ligne des tribus alliées pour garder les passages dans les montagnes, tribus qui auraient alors construit ces fortins sur l’ordre des Romains, en les appelant « Koudiat er Roum », « Koudiat ou Nessara » ( Tafessera ), c’est possible,
mais encore une fois, il est bien hasardeux d’affirmer que ces ruines sont de construction romaine.
L’examen de ces vestiges le dément facilement.
Quelle est l’origine des Béni Snous ? Sur cette question, on a peu de renseignements. Ibn- Khaldoun, dans son « Histoire des Berbères » les mentionne. Il nous apprend que « la tribu des Béni Snous, branche des Koumis, s’était liée d’amitié avec les Béni Goummi (groupe d’où sortait Abd-El Moumen, fondateur de l’Empire Almohade). Quand ceux-ci émigrèrent au XII° siècle dans le Maghrib El Aqsa [le Maroc actuel] les Béni Snous au lieu de les suivre, restèrent dans le pays et
s’attachèrent plus tard à la famille Yarmoracen (XIII° siècle) ». L’un d’eux, Yahia ben Moussa es Senoussi, fut en 1327 l’un des grands généraux du Sultan de Tlemcen.
On possède sur Tafessera la notice suivante de Marmol, que Monsieur BEL cite dans son
ouvrage « Les Mosquées des Béni Snous » : « C’est une grande ville, bâtie par ceux du pays à ce que disent les écrivains. Elle est dans une plaine à cinq lieues de Trémécen du côté du Levant, et s’appelait autrefois Estazile (Estazile et Tizil d’El Bekri (XI° siècle) sont à rapprocher d’Azaïl actuel), que Ptolémée met à 13° 20’ de longitude et à 33° 10’ de latitude. Presque tous les habitants sont forgerons et ont plusieurs mines de fer auxquelles ils travaillent. Les terres d’alentour abondent
en blés et en pasturages, mais le principal trafic est de fer qu’on porte vendre à Trémécen et ailleurs.
La ville est fermée de bonnes murailles qui sont fort hautes, et n’a rien de remarquable que ce que j’ai dit » (Marmol, l’Afrique, tome II, p. 336).
Mais contrairement à Marmol qui nous dit que Tafessera était une grande ville, Léon
l’Africain, qui vivait comme Marmol au XVI° siècle, nous apprend que Tafessera était une petite cité. Son ancien nom « Estazile » est peut-être l’ancêtre d’Azaïl actuel. Je n’ai pas retrouvé l’enceinte de cette ville dont parle Marmol. Il est vrai qu’avec Monsieur MOYNIER, nous n’avons pas eu le temps nécessaire de faire les recherches indispensables. Il reste bien, près de la mosquée du village
un angle de muraille, épais, en pisé, mais il se trouve dans le village même, tout près de la mosquée ; ce serait donc plutôt les restes d’un édifice élevé à l’intérieur que les murailles elles-mêmes. Les villageois donnent cette ruine comme les restes du palais du Sultan. Leurs dires sembleraient corroborer l’appellation de grande ville donnée par Marmol si on ne les suspectait pas d’exagération,
car ils situent cette enceinte de murailles loin du village, à plusieurs centaines de mètres des maisons actuelles, ce qui en ferait une cité aussi grande que Mansourah. D’après eux, il y avait dans ces murailles disparues quatre grandes portes : au Sud Bab Kettra, à l’Est face aux Béni Hédiel Bab Tefla, au Nord face à Tlemcen Bab Kerkor, à l’Ouest face aux Béni Bahdel Bab Aznaï. En tout cas,les vieux cimetières qui entourent le village au Sud et à l’Est, témoignent par le nombre considérable de leurs tombes, qu’une agglomération assez importante a existé là.
L’attachement des Béni Snoussi à leurs mosquées est grand et ces dernières sont toujours bien entretenues, grâce aux revenus des biens Habous. Autour de chaque village, sont disséminés les tombeaux des saints qui veillent sur le bonheur des habitants. Ces sanctuaires sont généralement loin de la mosquée, comme si ces Berbères voulaient qu’on distinguât les deux cultes. Les femmes qui n’ont pas droit à l’accès de la mosquée, fréquentent surtout ces koubas. Enfin dans chaque mosquée
étudient et habitent des étudiants religieux appelés tolbas. Leurs études se bornent à apprendre par coeur les versets du Coran, sans chercher à en apprendre la langue. Ils logent dans des pièces qui leur sont réservées ; au Khémis, ils habitent sous terre dans une grotte qui s’ouvre dans la cour de la mosquée.
Tléta possède une particularité qu’on ne retrouve pas dans la région de Tlemcen, il compte parmi sa population une colonie juive de quarante cinq membres. Ils vivent exactement comme les musulmans, portant le même costume, mais ne cultivent pas la terre. Ils sont épiciers, fabricants de couvertures de laine nommées Hambel ; ils confectionnent aussi des bâts pour les bourricots. Ils sont les enfants du pays au même titre que les autres indigènes et vivent en très bonne intelligence avec les musulmans. L’esprit de tolérance qui règne chez ces populations primitives leur fait certainement honneur.
Poussant toujours vers l’Ouest, nous arrivons à Zahra, bâti au pied d’une magnifique falaise, qu’on appelle la Corne de Zahra et qui s’élève à 1300 mètres, soit à 600 mètres au-dessus du village.
C’est là, dans une belle maison bâtie tout au pied de la montagne, qu’habite le Caïd des Azaïls, de la famille des Khebichat. A Zahra nous rattrapons la route de Sebdou à Maghnia, et la suivons vers l’Ouest. Après avoir traversé l’oued Khémis, nous la quittons pour prendre l’embranchement qui mène au barrage. Je ne parlerai pas de ce dernier que tout le monde connaît, et qui est construit dans un étranglement de la vallée, au confluent de la Tafna et du Khémis, au pied du Djebel Sif El Ali qui
dresse ses murailles crénelées 660 mètres au-dessus de la rivière.
-Habitat troglodytique du village de Beni Bahdel dans un bloc de travertin.
Après avoir facilement traversé l’oued qui en aval du barrage coule dans un tuyau, au pied même des voûtes de ciment armé qui barrent la gorge de leurs soixante cinq mètres de hauteur, nous grimpons d’abord sous les oliviers. Au pied de chaque arbre, le propriétaire a méticuleusement « élevé » (et non creusé) un bassin dans le plan horizontal, et qui, à cause de la forte pente, surplombe de deux mètres le terrain en aval de l’arbre, par un mur de pierres et de terre. Là où la pente est un peu moins forte, se trouvent quelques petits jardins où des murs de pierres sèches retiennent la terre précieuse.
C’est en grimpant à travers les rochers et les haies de figuiers de Barbarie qu’on atteint les maisons les plus hautes du village, qui sont en même temps les plus nombreuses. Ces dernières sont bâties sur le bord même du précipice, pour laisser sur le plateau le plus grand espace possible aux cultures de céréales. La situation escarpée de ces habitations oblige les mères de famille, pour éviter les accidents, à attacher leurs jeunes enfants à une poutre de la maison, quand elles sont obligées de s’absenter. Sur le plateau, deux belles sources sortent de terre au pied des pentes du Djorf el Ahmar.
Entraînant le calcaire depuis des milliers d’années, leurs eaux l’ont déposé sur le bord de ce plateau, formant un énorme rocher de travertin percé de grottes ombreuses. C’est dans ces grottes sombres,noircies par la fumée, mais bien exposées, qu’habite une partie de la population. C’est tout en haut,sur le bord du plateau, que siège le kaouadji qui a compris tout de suite que la rude montée donne
soif à ses clients. Sur la partie du plateau qui surplombe le travertin, dans une charmante olivette,l’une des deux sources jaillit abondamment entre deux rochers. Le charme du site nous invite à y planter la tente. Mais auparavant, désaltérons-nous, nous l’avons bien mérité. Si notre gosier desséché y trouve son compte, nous trouvons une autre récompense à notre effort dans l’admiration du panorama splendide qui s’étale à nos pieds. Toute la vallée des Azaïls est là, fermée au Sud par
l’imposante chaîne couverte d’immenses forêts. A 400 mètres sous nos pieds, le barrage qui vu de près se donnait tout à l’heure des allures de lac, n’est plus qu’une petite mare sans importance.
Disons en passant que dans les pentes qui montent aux Béni-Bahdel, les Ponts et Chaussées ont commencé la construction d’une route. Le village a possédé autrefois une école qui a été transférée au barrage ; ce n’est plus maintenant qu’une ruine dont le toit a disparu. Espérons que la construction de la route permettra l’édification d’un nouveau bâtiment scolaire.
Bâtie sur les bords de l’oued Khémis, elle possède en amont et en aval une banlieue de villages nombreux dont elle forme le centre économique, car c’est au Khémis que se tient l’unique marché à des lieues à la ronde, et le centre politique, car c’est là qu’habite le Caïd. Ces villages sont : d’aval en amont sur l’oued, les Béni-Hammou, les Oulad Moussa, les Oulad Arbi, Béni Achir, Dehar Ayed, Béni Zidaz, et beaucoup plus loin : Sidi Larbi et Mazzer. Toutes ces agglomérations où vivent 5000 habitants n’existent que grâce à la présence du précieux Oued Khémis. C’est lui qui a apporté l’étroite bande de terre alluvionnaire que cultivent les Berbères dans ces gorges sauvages, c’est lui qui irrigue les cultures, c’est lui qui fournit son eau potable aux habitants. De même que la vallée de l’oued Rhir dans le sud Constantinois, est une rue de palmiers, de même la vallée du Khémis, à une
échelle plus réduite, est une rue d’oliviers et de vergers. L’arrivée au Khémis mérite une mention spéciale. La route grimpe d’abord dans un paysage aride, sur des pentes impressionnantes, laissant la vallée des Béni Hammou sur la gauche, cachée derrière des croupes dénudées. Par-dessus ces croupes s’élèvent sur la rive droite les belles falaises verticales qui surplombent l’oued. La route s’aplatit enfin sur un plateau rocailleux et s’engage tout à coup dans une gorge très étroite et
sinueuse, dans laquelle elle sert d’oued les jours de pluie. (C’est l’occasion de dire aux touristes automobiles, qu’il est nécessaire, vu le ravinement de la route, de posséder une voiture avec de bons ressorts s’ils veulent s’y risquer). Puis, tout à coup, dans un virage à forte pente, la belle vallée du Khémis apparaît, opulente par ses vergers, inattendue après l’aridité du chemin déjà parcouru.
-Arrivée au Khémis.
-photo :La kouba de Sidi Salah le fils au Khémis.
Porteuses d’eau au bord de l’Oued Khémis.
-Le Khémis : À gauche l’école, à droite le marché aux nattes.
En haut falaises calcaires qui bordent les Causses.
photo :Tissage d’une natte « amara ».
avons rencontré avec M. KAHIA, cet homme qui a appris le berbère à Monsieur DESTAING, il nous prenait pour ses fils. Voici la citation :
« Dans nos montagnes des Béni Snous, l’hiver est très rigoureux. Pendant plusieurs jours, la neige, chaque année, y couvre la falaise de l’Azrou Oufernane qui domine notre village. Mais c’est au commencement du mois de mars que le froid se fait le plus vivement sentir. Il y a, à cette époque, une période de sept nuits et de huit jours pendant lesquels souffle un vent violent. Ce vent est d’une telle violence qu’on ne saurait répondre de la vie d’un oiseau qui à ce moment, sortirait de son nid.Il est glacé, accompagné de pluie et de neige. Le froid se fait plus rigoureux le huitième jour de cette
période, parce qu’il va disparaître, se comportant comme la lampe qui brille d’un plus vif éclatavant de s’éteindre, comme un malade qui, sur le point de mourir, semble reprendre ses forces.
Durant les quatre derniers jours d’Es-Sâba, il fait tellement froid que le lait de beaucoup de nos chèvres se trouve tari. La perdrix reste dans son nid et commence à pondre, si bien qu’à la fin de cette période, elle est, ainsi que disent les gens, sur sept oeufs. La perdrix qui s’est accouplée dans la nuit d’Ennayer2 pond son premier oeuf, le premier jour d’ Es-Sâba, puis chaque jour un autre oeuf.
Les bergers, friands de ces oeufs, en prennent chaque jour un, qu’ils remplacent par un oignon de scille taillé assez habilement pour que la perdrix s’y trompe et continue à pondre. C’est au moment d’Es-Sâba qu’arrivera le jour de la Destruction, pendant lequel toutes les créatures de Dieu seront anéanties à la même heure. Toute chose se trouvera transformée en eau et l’univers ne sera plus qu’une vaste mer. Chaque année quand approche la Sâba nous disons « cette fois, nous allons être
détruits » et craignant d’être anéantis, nous demandons à Dieu d’user de bonté à notre égard : le monde se met à faire des aumônes de pain, de figues, de bouillie, de couscous. Le dernier jour d’Es-Sâba, arrivent les cigognes. Si on aperçoit une cigogne, c’est signe de bonheur quand elle se présente de face, c’est signe de malheur si elle tourne le dos ; c’est signe de grande misère si deux cigognes se battent sous nos yeux.
Puis viennent les hirondelles et enfin, après elles, ce sont les aigles. L’individu qui, pour la première fois de l’année, voit l’un de ces aigles en tire bon ou mauvais augure. Si à ce moment, il se trouve debout, il dit à l’oiseau : «Je t’ai vu, aigle, et je suis debout ». Puis se baissant, et fermant les yeux, il ramasse de la terre sous son pied droit et l’examine dans sa main. Y trouve-t-il mêlé quelque
poil d’animal, il en observe la nuance : si ce poil est noir, l’individu achètera un âne noir, ou un mulet noir, ou une jument noire ; si le poil est d’une couleur différente, blanc ou gris, ou rouge, il achètera selon le cas, une monture blanche, grise ou rouge. Mais si l’aigle vous apparaissant pour la première fois de l’année, vous trouve assis ou couché, c’est le présage d’une maladie qui vous frappera ou l’annonce d’une mort prochaine, si Dieu veut.
C’est alors qu’arrivent les sauterelles. Elles sont sorties du sein de la mer. Pour les chasser de notre pays, le feqîh [le lettré] écrit sur des pierres des mots que je ne connais pas (passage du Coran). Il les place ensuite dans nos jardins. Dieu nous prenant en pitié, les sauterelles quittent la région par la puissance divine. Le Sultan des sauterelles est de la grosseur d’une chauve-souris.
Seuls les grands savants savent le reconnaître ; il est blanc, ou bien rouge, ou bien tacheté de blanc et de rouge. Quand le feqîh trouve le Sultan, il l’attrape et couvre ses ailes d’écriture puis il lui donne la liberté. Le Sultan rejoint les autres sauterelles. Celles-ci s’aperçoivent que pour les faire mourir, on a couvert d’écriture les ailes de leur chef. Pris de peur, le Sultan fuit, suivi de toutes ses
sujettes ; pas une ne reste dans le pays. Elles sont parties, mais leurs enfants sortent en grand nombre de cette terre rouge où les sauterelles ont déposé leurs œufs. Il s’en échappe des espèces de vers qui dévorent toutes les plantes, quelles qu’elles soient. Quand ils tombent sur l’orge verte, ils ne laissent que la terre rougeâtre. Aussi nous disons « O Dieu bienveillant, les sauterelles soit ! mais pas leurs fils ! ». Nous mangeons toutes celles que nous pouvons attraper.
Au commencement de mai, le troisième jour, nous prenons quatre feuilles d’olivier, le feqîh écrit sur ces feuilles que nous plaçons ensuite dans les plates-bandes de nos jardins. Les fourmis s’enfuient, pas une ne reste dans le jardin. On évite pendant trois des jours du Neth, de pénétrer dans les céréales (ce qui chasserait la baraka), de sarcler ou d’arroser (ce qui brûlerait les récoltes). On en donne aussi la raison suivante à Tlemcen : « A ce moment, les arbres, les herbes, les pierres même se marient. La présence d’un homme les gênerait, les rendrait honteux ». Pendant le mois de mai, les tolbas nous avertissent de l’approche du jour d’En Nisân. La pluie qui tombe à ce moment est bénie. Aussi, s’il vient à pleuvoir, tous, hommes et femmes, garçons et filles, sortent tête nue, afin d’être mouillés par l’eau du ciel (coutume qui se rencontre un peu partout en Oranie).
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2 Nouvel an berbère célébré le 12 janvier.
Roger Bellissant – Les Béni-Snous, 1941.
Cette pluie préserve des maux de tête, les guérit ; elle fait pousser très longues les chevelures des fillettes et des femmes. Pour que la laine de nos moutons soit douce et fournie, on fait sortir ceux-ci dans la pluie d’En Nisân. On y expose aussi les vaches, les chèvres, tout le troupeau pour qu’il engraisse et prospère. C’est à cette époque que nous coupons la laine des troupeaux, mais seulement après que la pluie a mouillé les toisons. Le troisième jour d’En Nisân on fait, au couteau, une
entaille à l’oreille des agneaux. Certains font rougir au feu un clou ou la pointe d’une faucille. Ils l’appliquent ensuite sur l’oreille de l’animal, et la perforent. Grâce à cette marque, on reconnaît facilement les moutons quand ils se mêlent à ceux d’un autre troupeau. On dit aussi que cette opération, faite aux jours bénis d’En Nisân, hâte la croissance des animaux, et éloigne d’eux la maladie (Tlemcen-Qala). Si le possesseur d’un jeune chien désire que l’animal devienne méchant et bon gardien de la maison, il lui enlève un morceau d’oreille ce même jour d’En Nisân.
Ce jour d’En Nisân apporte plus ou moins de baraka. Chez les Béni-Ournid, sept femmes
sortent, le jour d’En Nisân, emmenant à quelques kilomètres du douar une brebis n’ayant pas encore d’agneau. Elles l’observent jusqu’au coucher du soleil. Si l’animal fiente, si les crottes sont fines, le ciel enverra ses bénédictions sans mesure ; si la brebis ne fiente pas, l’année sera sans baraka. S’il ne pleut pas dès le commencement d’En Nisân, on se hâte de demander la pluie. Les tolbas et les
jeunes gens, pieds nus et tête nue se rendent en troupes après le Moghreb, aux tombeaux des saints de la région, et demandent la pluie (jets de pierre et de cheveux aux marabouts). Les vieilles femmes jouent avec une boule et des cuillers. Une grande cuiller habillée à la façon d’une poupée est promenée dans les rues du village, et aux environs. On tire divers présages d’une brebis noire conduite à l’oued Tafna, ou attachée loin de son petit. On jette à l’eau un Ouled Sidi Chikh, un chérif – On se jette de l’eau – On égorge un boeuf noir, un mouton noir, des poules noires, près des tombeaux des saints. (A Ammi-Mousa, pour faire tomber la pluie d’En Nisân, on suspend des tortues par les pieds aux branches d’un arbre et on les laisse dans cette position gênante, jusqu’à ce que Dieu, prenant en pitié les malheureuses bêtes, se décide à envoyer la pluie – On les délivre aussi dans le cas où elles viennent à uriner, ce qui est l’annonce d’une averse prochaine – On sait que les tortues chassent le froid, font fuir le diable).
Lorsque la pluie d’En Nisân vient à tomber, les enfants sortent de l’école et recueillent de cette eau pour s’en asperger, pour humecter les planchettes sur lesquelles ils étudient le Coran.
« Cette eau, disent-ils, est bénie et Dieu fera, grâce à elle, que nos études soient bonnes ». Le maître leur dit « Recueillez de cette eau pour que nous en arrosions la mosquée et remplissez-en mon encrier, afin que le jour où quelqu’un tombera malade, je puisse écrire pour cette personne des amulettes qui la guériront ». Si un enfant vient à vous naître le jour d’En Nisân, ne manquez pas de laver ses langes dans l’eau qui tombe en ce moment. Cela portera bonheur au nouveau-né. Si l’on a mal aux dents, la douleur cesse quand on se gargarise avec un peu de cette eau. Des gens prétendent que, au moment où tombe cette pluie, celle-ci renferme des serpents et des vers. « Ne craignez rien, nous a dit le savant du village, car au moment où cette eau tombe du ciel, les anges accourent,saisissent les serpents qu’elle ontient et les jettent dans la mer ».
Le jour d’En Nisân, nous allons ramasser des escargots sur le Slîb3. On fait cuire les escargots dans l’eau avec des plantes aromatiques (on emploie diverses plantes aromatiques, mais
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3 Ceux des Béni Snous qui habitent la vallée de l’oued Yadel en amont de Mazzer appellent Slîb la surface du plateau calcaire dans lequel est creusée la vallée. Ils désignent aussi sous ce même nom une étroite bande de marnes gréseuses oxfordiennes) qui s’étend des environs du Khémis jusqu’à la frontière marocaine qu’elle dépasse. Appuyée au nord sur les schistes primaires, recouverte au sud par une grande table de calcaires jurassiques, elle contraste vivement avec ces deux formations.
Alors que celles-ci supportent de belles forêts, la bande marno-gréseuse est dépourvue de toute végétation arborescente ou broussailleuse. L’alfa s’y rencontre à côté du palmier nain, mais c’est le diss qui domine dans les parties non cultivées. Cette région convient bien à la culture du blé et de l’orge ; elle est soigneusement ensemencée chaque année par les indigènes.
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toujours parmi elles du thym), et on les mange. On jette ces animaux, sept par sept, dans la marmite en leur disant « Je t’ai égorgé, escargot avec le sel et le thym. Dieu est le plus grand ». Cette nourriture est ainsi rendue licite. Cette nourriture prise ce jour-là est bénie. J’ai entendu citer ce hadith par des femmes : « Celui qui ne mange pas de mes escargots et de mes sauterelles n’est pas de mon peuple ». Nous avons soin de jeter les coquilles loin des chemins, car si quelqu’un, ne les
voyant pas, passait par dessus ces coquilles, il tomberait malade.
Lorsque, au mois de juin, arrive la fête de la Ansâra, les femmes et les enfants vont sur les pentes, au pied des falaises pour y recueillir des plantes, telles que la férule (ferula aulcata), le marrube (marrubium vulgaire) qui en brûlant donnent beaucoup de fumée. On met le feu à ces plantes, on jette sur le brasier de l’eau et de la terre (C’est pour que la fumée soit plus épaisse, peut être aussi pour un autre motif qui nous échappe. Chez les Béni Ouassin, on jette de l’eau sur les
tiges qui brûlent. Un des assistants saisit une branche mouillée et asperge les personnes présentes).
Les cendres du brasier ont la propriété de préserver de maladies graves celui qui s’en frotte le corps. Toutefois, pas plus que l’eau d’En Nisân, elles ne préservent de la maladie qui doit emporter son homme. Un individu, lavé d’eau d’En Nisân et frotté de cendres de la Ansâra, comprend, s’il tombe gravement malade, que sa dernière heure est proche.Dans les douars de Tralimet, du Bou Hallou (Béni Snous), on fait de la fumée sous les tentes le jour de la Ansâra. De même chez les Béni Ouassin et les Béni Bou Saïd ; cela afin que les génies de la maison ne viennent pas tourner autour de nous. On place aussi, sous les arbres des vergers,des herbes aromatiques qui brûlent sur un réchaud. De cette sorte, les fleurs des arbres se trouvent fécondées, les animaux sont préservés de la maladie et tout le troupeau prospère. Au Kef, on laisse,pour la première fois, les jeunes agneaux et les chevreaux sortir de la maison et suivre leurs mères au pâturage. Les femmes descendent sur les rives de l’oued des Oulad l’Arbi et viennent s’asseoir au
bord des bassins que forme le cours d’eau au-dessous du village. Elles allument du feu dans une marmite, jettent sur les charbons ardents du benjoin et des graines de coriandre, puis, faisant le tour de l’étang, elles en parfument les bords. Elles mangent ensuite un peu de pain de blé ou d’orge, qu’elles ont apporté et qu’elles se partagent. Elles en jettent dans l’étang, les poissons accourent pour manger ce qu’elles ont jeté. Puis elles disent aux génies de l’Oued « O Chamarhoûch,Belâh’ar, Belâchgar, Târouchîn, Mâroûchin, partagez-vous ce pain et mangez. Celui d’entre vous
qui frappera nos enfants, Dieu le frappera à son tour ». Elles puisent alors de l’eau du lac et en font boire un peu à chaque enfant. Cette cérémonie a pour but d’obtenir des génies qu’ils ne fassent pas de mal aux enfants.
En cette saison d’été nos maisons sont infestées de puces. Voici comment on s’y prend pour les chasser. Après avoir brûlé dans la chambre le jour de la Ansâra, quelques plantes aromatiques et des grains de raisin vert, on attrape un ou deux de ces petits insectes et on les introduit dans ungrain de raisin, que l’on suspend ensuite au plafond. Le grain sera à peine sec que déjà toutes les puces seront parties. De même quand l’on suspend, dans les pièces d’habitation, des chardons bleus, les mouches se mettent à fuir dès qu’elles les aperçoivent et ne reviennent plus. Bien avant le lever du soleil, nous allons chercher des figues amères sur les bords de l’oued.
Nous ne prenons que celles qui renferment des moucherons. Vite, nous les plaçons dans des sacs, et nous les apportons dans les vergers, après les avoir mises en chapelet sur des brins d’alfa. Nous suspendons ces « doukkara » aux branches des figuiers. Les moucherons sortent des figues amères,se répandent dans l’arbre et assurent la fécondation des fleurs. Pour favoriser la fécondation des fleurs de courge, nous attachons, à leurs tiges, un scarabée, au moyen d’un fil rouge. Toujours dans ce même but, un individu place au milieu de son verger une tête de mulet, de cheval ou d’âne. Grâce à cette pratique, chaque arbre donne un fruit.
Les gens disent que, pendant cette nuit de la Ansâra, une femme ne peut concevoir,
l’accouchement est aussi impossible. Si par hasard, une femme met au monde une fille pendant cette
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nuit, cette enfant sera stérile ; si c’est un garçon qui vient à naître, il sera laid, méchant et impuissant. Lorsque, le jour de la Ansâra venu, nous nous rendons aux vergers, nous prenons bien garde que quelque vieille femme (ou toute femme qui n’est plus vierge, parce que, disent les Musulmans, elle peut être en état d’impureté) ne nous suive et n’y entre avec nous. Car alors,aucune fleur ne pourrait être fécondée. Mais si c’est une jeune fille qui nous accompagne, chaque fleur à cause d’elle donne un fruit, et ce fruit sera beau comme elle. Avant d’entrer dans les potagers, ces jeunes filles doivent enlever leur ceinture. C’est pour cette fête que les vieilles femmes percent les oreilles des petites filles, pour y passer des anneaux d’argent ou d’or. Elles vont aussi dans la montagne et en rapportent diverses herbes, une tige de chaque espèce. Arrivées à la maison elles les font sécher, les pilent, en font un mélange et les serrent dans un morceau d’étoffe.
Quelqu’un a-t-il besoin de leurs services ?Il va trouver une de ces vieilles femmes et lui demande un peu de cette préparation. Il lui donne de l’argent, en disant « Cède-moi cette poudre dont je me servirai pour me faire aimer de telle femme ». Ou bien c’est un malade qui vient demander de ces plantes pour guérir quelque mal de tête et quelque affection de poitrine.
Nous célébrons au Kef la fête d’Ennayer, pendant quatre ou cinq jours. Au Khémis elle dure sept jours. Le premier jour, dès le matin, les femmes et les enfants vont à la forêt sur les pentes. Ils en rapportent des plantes vertes, du palmier nain, de l’olivier, du romarin, des asphodèles, des scilles, du lentisque, du caroubier, de la férule, du fenouil. Les femmes jettent sur les terrasses des maisons ces plantes qu’on y laisse se dessécher. Les tiges vertes ont, en effet une influence favorable
sur les destinées de l’année nouvelle qui sera ainsi verte comme elles. Et pour que l’année soit pour nous sans amertume, nous nous gardons de jeter sur nos maisons des plantes, telles que le chêne vert, le thapsia, le thuya qui toutes sont amères.
Les enfants rapportent aussi de la montagne de petits paquets d’alfa, six, huit par nombre pair (deux paquets sont d’alfa sec). Ils se procurent aussi trois grosses pierres ; au pied des pentes ils recueillent de la terre rouge. Ils apportent le tout à la maison. Alors au moyen d’une pioche, les femmes démolissent l’ancien foyer, enlèvent les trois vieilles pierres qui servent de support à la marmite et les remplacent par celles que les enfants ont apportées. Elles font détremper la terre rouge dans l’eau, la pétrissent, en enduisent les pierres du nouveau foyer et laissent sécher jusqu’au moment de préparer le repas du soir. On allume alors le feu avec l’alfa récolté dans la montagne.
Quant aux hommes, ils se réunissaient autrefois de grand matin, à Mzaourou pour faire une battue. On en rapportait des lapins, des perdrix que l’on mangeait le lendemain. De nos jours on égorge un mouton, une chèvre, pour que les gens soient pourvus de viande, le deuxième jour de la fête. On mange aussi des poules dans chaque famille. Au Khémis on égorge dans chaque famille un nombre de volailles égal à celui de ses membres. Une qui allaite ou qui se trouve enceinte mange deux poules. On engraisse ces volailles longtemps à l’avance. Il importe de manger, ce jour-là, de la viande de poule ; ceux qui sont trop pauvres pour en acheter ont soin de se nettoyer les dents avec des os de poulets. Le dîner est composé uniquement de berkoukes au lait. Le berkoukes se prépare en roulant en gros grains de la semoule grossière. Après le repas, on en place quelques grains sur les pierres du foyer, et sur les poutres qui soutiennent le toit. On ne lave pas le plat dans lequel a été
roulé le berkoukes, ni celui dans lequel on l’a mangé, ni l’ustensile qui a servi à le faire cuire. On ne nettoie pas les cuillers, on ne secoue pas la corbeille à pain, ni l’anfif en alfa dans lequel se cuit le couscous. A cette occasion, on fait des beignets et des crêpes. On prend des figues des grenades, des oranges, des noix. On en fait des colliers auxquels on ajoute un taja’outh. C’est un pain plus ou
moins gros, au milieu duquel on place un oeuf que l’on recouvre de petites baguettes de pâté. On porte au four beaucoup de ces pains, dont on fait cadeau aux amis qui en rendent d’autres. On fait un gâteau avec des oeufs, du levain, des raisins secs, du sucre, de l’huile. On ne mange pas, ce jourlà,de pain d’orge, mais seulement du pain de blé. Les femmes ont soin de jeter les coquilles d’oeuf au loin, afin qu’il n’arrive à personne de marcher dessus. Une jeune tlemcénienne qui marcherait sur
des coquilles d’oeuf ne trouverait pas de mari, surtout si cela lui arrivait pendant l’Ennayer. A celui
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qui n’a rien, nous offrons des figues, des grenades mises en colliers, un petit pain, de cette sorte, sesenfants ne pleurent pas d’envie en voyant les friandises des autres.
Quand approche la nuit, on fait un lion. Deux hommes placés l’un devant l’autre, la face tournée vers le sol se saisissent. Les jeunes gens vont chercher un tellis (une couverture) dont ils les revêtent et qu’ils fixent au moyen de tresses d’alfa ; on n’oublie pas de pourvoir le lion des attributs de son sexe. Alors l’individu placé devant se met à rugir dans un mortier qu’il a à la main. La marmaille emmène le lion dans les maisons et les tentes, où il effraie les petits enfants. Les jeunes gens disent aux habitants « Donnez-nous pour le dîner du lion ». On leur donne des figues, des beignets, du pain, des crêpes. Tout ce monde vient ensuite au Bordj du Caïd. Chemin faisant, le lion danse au son d’un tambourin. Puis on se réunit dans un endroit voisin de la Tafna ; les jeunes gens se partagent le produit de la quête, mangent et se séparent après avoir récité le fatiha. Et comme cette année-ci est sèche, nous avons ajouté cette prière « O Seigneur, donne-nous de la pluie »(1905).
Après le dîner, le maître de la maison va vers ses brebis et les appelle ; si elles bêlent la nouvelle année sera bonne ; si le troupeau se tait, l’homme se rend auprès de ses vaches et leur parle ; un beuglement comme réponse est le présage d’une année passablement prospère. Si les vaches restent silencieuses, le maître se dirige vers ses chèvres. L’année sera médiocre si elles bêlent, mauvaise si elles se taisent.
Le lendemain nous préparons au village un chameau. On fait un faisceau de perches que l’on lie avec des tresses d’alfa. On apporte alors une tête de cheval ou d’âne, ou de mulet : on y adapte une branche que l’on fixe ensuite à l’une des extrémités du faisceau en question. Trois hommes masqués par une couverture supportent le tout. Cela représente un chameau. Dans des raquettes de figuiers de Barbarie on taille à l’animal des oreilles, et aussi des yeux au milieu desquels on place des petites coquilles d’escargots. On fait de ces coquilles un grand collier qu’on passe au cou du chameau. Enfin on lui ajoute une queue faite d’une branche de palmier. On le promène ensuite comme on a fait pour le lion, et la marmaille crie « Donnez-nous à manger pour le chameau ».
On ne revêt pas pour l’Ennayer, de beaux habits, comme on le fait pour un jour de fête. Si l’un de nous veut arriver à découvrir dans les broussailles des oeufs de perdrix, il se teint, le premier jour d’Ennayer, le bord des paupières avec du collyre ; puis la nuit se plaçant un tamis sur le visage, il compte les étoiles au ciel. Cela afin de renforcer sa vue. Une femme est-elle en train de faire une
natte aux approches de l’Ennayer ? Elle s’empresse de l’achever pour l’enlever du métier avant la fête ; elle détache ensuite le roseau auquel est fixé la trame. Parfois ses voisines viennent l’aider. Si cette femme n’enlevait pas la natte en lui laissant passer l’Ennayer sur le métier, un malheur surviendrait, qui éprouverait ses enfants, son mari, ses biens. On agit de même pour un burnous ou une djellabah.
Si dans une famille un enfant né avant l’Ennayer perce des dents, une petite fille le prend sur son dos. Elle se présente ainsi aux portes en demandant de quoi préparer à l’enfant de la bouillie(pour lui faire pousser les dents). Ses compagnes chantent « Petite dent, excellente petite dent, tu viendras à mon jeune enfant par considération pour La Mecque et Médine et pour tous les saints de Dieu ». Les enfants des riches, aussi bien que ceux des pauvres, sont ainsi conduits de porte en
porte, cette démarche ayant surtout pour but de préserver l’enfant du mauvais oeil. Si une femme n’a pu achever une natte commencée, elle l’enlève avant l’Ennayer, et la fait porter au loin dans la montagne. Puis, la fête passée, on la place à nouveau sur le métier et on l’achève. Voilà comment se passe le premier de l’an chez les Béni Snous. Que cette année soit heureuse pour vous ». (Fin de la citation DESTAING)
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l’assèchement du climat. Elle est formée d’arbres à feuilles persistantes (chêne-liège, chêne-vert surtout, chêne zéen) et de deux conifères : le genévrier et le thuya. On n’y trouve pas le cèdre qui tapisse certains versants nord de l’Ouarsenis. Cette forêt est peu dense, le sous-bois y est maigre, les arbres n’y ont pas les dimensions de ceux des forêts humides. Pourtant d’assez nombreux chênes sont beaux, dans les vallées près des oueds. La forêt fournit aux Béni Snous le bois de chauffage et de construction (les poutres qui supportent les terrasses des maisons sont en genévrier). Les glands,qui nourrissent de nombreux sangliers servent aussi de nourriture aux habitants, et à l’occasion aux touristes à pied dont le garde-manger est dégarni, comme le cas nous est arrivé, dernièrement à la Toussaint. A l’automne, les pentes boisées exposées au nord recèlent des champignons (cèpes et
tricholomes). De place en place on trouve dans la forêt des clairières qui sont cultivées en céréales.
Sur les plateaux les plus élevés du Massif : Ras Asfour, Bled Mechamich, environs du Tenouchfi, on trouve d’assez belles prairies, à l’herbe courte et drue où les troupeaux des Oulad En Nahar qui habitent les Hauts Plateaux viennent transhumer l’été.
Pentes boisées des Béni Snous – En bas à droite deux khaïmas.
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photo : Moulin du Khémis.
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Le Khémis, vue générale.
L’Oued Khémis.
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Les Oulad Arbi et Beni Achir vus de la Corne du Khémis.
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